Dans nos prévisions les plus optimistes, on pensait mettre deux bonnes semaines à arriver aux Antilles. C’était sans compter sur l’instabilité des Alizés cette année, autant en direction qu’en force. On avait cru aussi qu’il suffirait de régler les voiles au départ, et roulez jeunesse, de surveiller un peu jusqu’à l’arrivée, mais non, on a pas mal manipulé tout ça !!
Enfin, comme j’ai lu l’Odyssée dans cette troisième semaine (NDTLGP : c’est dangereux, l’Odyssée, ça donne le mal d’Homère, huhuhu), je m’estime assez heureuse de n’avoir qu’un Eole un peu faible, contrairement à Ulysse qui se prend des grosses colères de Poséidon sur le coin de la figure, notre situation est bien confortable, tout compte fait…
Et puis on a de jolis spectacles, la nuit surtout. La première semaine, la nuit était toute éclairée par la lune, pleine ou quasi pleine. Au fur et à mesure qu’on a avancé, elle s’est levée de plus en plus tard, et a rétréci. On n’a plus vraiment l’occasion d’admirer les levers de lune (c’est beau, un lever de lune !) mais le ciel assez peu nuageux nous laisse observer des étoiles. On n’y connait quasiment rien, surtout côté Sud : ce sont des étoiles qu’on n’a pas l’habitude de voir dans l’hémisphère Nord ! Mais on envisage de se renseigner un peu plus sur nos spectacles nocturnes.
Côté vie à bord, on n’a plus rien de frais à manger, à part quelques oignons à moitié en train de moisir et des patates qui commencent à lever. Nos légumes du Cap Vert ont bien tenu en général, les courges surtout ont conservé longtemps (j’ai fait des tartes à la courge, agrémentées de diverses épices pour varier, c’est pas mal du tout, au passage…), on essaiera d’en retrouver pour les prochaines traversées. La salade froide de betteraves et maïs est assez agréable dans la chaleur de midi, également ! Les fruits ont été dévorés la première semaine, depuis on mange des fruits en boîte : c’est quand même moins bon, on s’en lasse vite… Et il faut se creuser la tête pour faire des repas variés avec nos conserves, mais on s’en sort (enfin, Tomtom est heureux avec des pâtes, mais moi j’aime bien varier). Faire du pain, ça prend aussi pas mal de temps, mais je trouve ça meilleur que les biscottes et que le pain allemand qui conserve longtemps. Je ne suis pas encore tout à fait au point en tant que boulangère, mon pain est encore un peu plat à mon goût, mais pain après pain, on progresse un peu…
Côté merdouilles à bord, cette semaine, nous vous présentons la cadène d’étai largable. On vous avait déjà présenté, en Irlande, la poulie d’étai largable, en haut du mât ; cette fois c’est la fixation de l’étai largable sur le pont, à l’avant, qui a décidé qu’on se passerait d’elle, après une réparation de fortune qui a tenu à peine 24h. A long terme, c’est vraiment pas top, car dans le gros temps, c’est sur l’étai largable qu’on installe Corentin le numéro 1 (ou pire, Bastien le tourmentin). Dans le petit temps, et vent arrière comme maintenant, Eloi le Génois tient sur l’étai (non largable !!), donc ça ira jusqu’aux Antilles, on pourra faire sans pendant quelques jours, au prix d’une légère perte de performance (car on n’a plus la deuxième aile du papillon et qu’on préfère laisser la grand-voile dans son lazy-bag au vent arrière car sinon elle s’abîme, claque avec le roulis et ne nous fait pas avancer beaucoup plus). Mais va falloir bricoler tout ça en arrivant, et c’est du gros bricolage : refaire la stratification du pont, faire faire une nouvelle cadène, tout installer… C’est fatiguant à la longue, on avait encore bien vérifié ça, et paf, ça pète. Après cette mésaventure, Tomtom écrira dans le journal de bord : « Heureusement qu’on n’est pas allés en Patagonie ».
On commence à sentir l’approche de l’arrivée. On préfère arriver de jour à St Lucia, d’une part pour pouvoir voir les récifs si on va se mettre directement au mouillage, et puis de manière générale, l’arrivée dans un lieu inconnu est plus facile de jour. L’ordinateur de bord évalue la distance restant à parcourir, et nous, on fait des calculs (on a fini par faire un tableau Excel, on ne se refait pas !!) pour évaluer la vitesse du bateau nécessaire pour arriver de jour. S’il est difficile d’aller plus vite que ce que le vent nous permet, on peut toujours ralentir, en enroulant du génois ou en affalant le numéro 1 (surtout quand sa cadène d’étai largable nous lâche !!), pour s’offrir une arrivée au petit matin plutôt qu’une arrivée de nuit (sans lune, je le rappelle !).
Dernières nuits justement qui nous donnent la possibilité de tester les loupiottes de cockpit enfin terminées (les caprices du moteur ont fait prendre un peu de retard dans le planning de fabrication des loupiottes), c’est la classe : ça ne consomme pas grand-chose, on peut ajuster exactement l’intensité lumineuse à nos besoins et ça diminue encore la consommation, et en plus on peut tout basculer en rouge pour que les yeux ne perdent pas la vision de nuit ! Reste plus qu’à faire la même chose pour l’intérieur, c’est un peu plus laborieux car il faut s’adapter aux boîtiers existants …
Le 7 décembre à 13h00 UTC, Schnaps dit au revoir à l’Océan Atlantique qui nous porte depuis Lorient, sous un ciel gris, des grains qui arrivent du large et avec un bon force 6 qui nous propulse à 7 nœuds dans le canal entre St Lucia et la Martinique ! Les contours de l’île se dessinent, le sondeur reprend ses esprits, les vagues se calment à mesure que l’on est abrités, on croise des voiliers de plus en plus nombreux, la baie s’ouvre devant nous …
A 15h15 UTC, 11h15 locales, Schnaps boucle sa traversée de l’Atlantique en 2 semaines, 6 jours, 22h et presque 32 minutes (eh, non, pas 3 semaines !!). Les Alizés ont été capricieux cette année, et pas seulement pour nous, car les participants de l‘ARC, attendus à St Lucia, sont aussi en retard à cause du manque de vent. Le champagne est au frais et est partagé le soir même entre Schnaps, Poséidon (oui, on est plutôt Poséidon que Neptune) et l’équipage, servi un peu plus généreusement que les deux autres …
Quelques chiffres pour finir (Tomtom le grogeekom a programmé un petit logiciel pour analyser les fichiers de traces GPS) :
- Distance parcourue sur le fond : 2148.4 milles
- Temps de parcours : 20J 22h31m50s (non, y a pas les centièmes de secondes, ya eu des problèmes avec la photo-finish)
- Vitesse moyenne sur le fond : 4.28 nœuds
- Plus grande distance parcourue en 24h : 136.5 milles, pendant qu’on était dans le gasoil ! Ça fait du 5.7 nœuds, mais on est loin du ‘record’ de Cascais à Porto Santo, 146.8 milles soit plus de 6.1 nœuds
- Plus petite distance parcourue en 24h : 52.6 milles, soit 2.2 nœuds. C’est un record pour Schnaps, c’était dans la 2ème vague de pétole qui tourne au NW, le 1er décembre (et encore dans les 24h on a 4h de moteur !). On aurait pu faire mieux, mais on va garder ça pour la traversée de l’équateur dans le Pacifique
N’oubliez pas de faire le plein de rhum!
– ptit’Laure
Hourra ! Bravo Schnaps !
Et maintenant, il est temps de refaire les réserves de rhum… Et une cure d’ananas, et autres bons fruits frais !
bé non à mon grand désespoir il n’y avait plus d’ananas ce matin au rayon fruits et légumes … il y avait l’étiquette ‘pineapple’ mais de pineapples point ! Par contre les fruits de la passion sont à moins de 1€/kg, là on s’est fait plaisir :).
et si vous montiez un moteur à rhum? les p’tits poissons seraient contents et ça sentirait meilleur dans la cabine lors de vos purges. Autant pour moi pour ma remarque sur le truc noir et gluant, je dois être un peu trop conditionnée par les scénarios « marée noire » qu’on nous sert régulièrement pour garder le sens des réalités. Bon, il fait -8°, ça vous dit? pas besoin de frigo ni de joints à refaire, faut juste s’emballer dans des trucs chauds.
ah be voui mais le problème c’est que si on monte un moteur à rhum il risque de plus avoir grand-chose à boire le moteur. Cela dit ça existe, il me semble que c’est au Brésil que les moteurs (à essence) tournent à la canne à sucre. Et notre bon vieux XUD peut boire des tas d’autres choses que du gasoil (mais avec modération et pas tout le temps), feu ma 306 avec le même moteur était très contente avec de l’huile de colza et ça sentait la frite derrière. Rudolf Diesel avait d’ailleurs conçu son moteur pour qu’il tourne à l’huile. Maintenant ça ne vaut plus le coup ni le coût, vu l’augmentation du prix de la dite huile (faut récupérer celle des McDo, sinon) …
L’accueil là bas était plutôt collier de fleurs et jolies indigènes ou plutôt coupe-coupe, cannibales et os dans l’nez?
Bien joué pour votre traversée!
Disons que l’accueil était marqué par un accent rasta incompréhensible (« I’ve not understood the number you’ve said, could you please repeat ? » trois fois quand même) ; un peu plus tard on a eu un accueil sur la plage à la Bob Marley…
La cure de fruits frais et d’enfin repos se poursuit-elle, enfin complétée par la détente, pour vous récompenser de votre traversée ? Le climat sonore est-il plus doux qu’à vos premières heures ? Bisous