Nous avons quitté la Martinique, direction la Dominique, afin de rejoindre le soleil qui s’annonçait sur les prévisions météo. Notre première étape, Fort-de-France > Roseau, a été programmée partiellement de nuit, afin d’arriver au petit matin dans la baie de Roseau.
Nous quittons donc Fort-de-France et son mouillage, tout va bien à bord, Tomtom prend son quart. Quatre heures pour remonter le long de la Martinique avant d’arriver au canal entre les deux îles. La nav’ côtière, le long des Antilles, est tout à fait différente de la nav’ hauturière tranquille, où il suffit généralement de surveiller que Raymond le régulateur d’allure s’en sort bien, qu’aucun cargo ne nous fonce dessus, que le vent suit à peu près les prévisions. Ici, les montagnes des îles perturbent le vent, ce qui nous fait passer de la franche pétole derrière une barrière boisée à 25 nœuds lorsque nous passons devant une vallée qui canalise le vent, en quelques minutes, parfois quelques secondes. Raymond est perdu, il ne comprend plus d’où vient le vent, son temps de réaction est un peu trop long pour ces conditions très changeantes. Heureusement, nous avons des barreurs de rechange en la personne de Tomtom et de Clairette, qui ne sont pas forcément malheureux de faire un peu de voile de temps en temps, quand même …
Le premier quart de Tomtom, donc, est rythmé par les sautes de vent, j’entends sans cesse Tomtom régler les voiles pour adapter la configuration de Schnaps au vent, dans mon demi-sommeil.
Puis vient mon quart, nous entrons dans le canal de la Martinique à la Dominique. Cette fois, le vent est stable, vu qu’il n’y a plus de relief pour le perturber. Mais il est en forme : l’anémo ne descend pas sous 18 nœuds, atteignant régulièrement 24… Comme on est prévoyant, on avait hissé la Grand-Voile avec un ris en partant, et tant mieux. Schnaps se comporte bien, ce n’est pourtant pas facile car les vagues, la force du vent et les appels du pied de Morphée se relaient pour m’embêter… Un petit coup de mal de mer aussi, tiens, ça faisait longtemps. Je pense que la fatigue, l’effort et les vagues conjugués ont eu raison de mon estomac, mais le brave a bien tenu le coup et s’en est remis assez vite, je ne lui en veux pas trop.
Quatre heures plus tard, c’est au tour de Tomtom de reprendre la barre. Nous arrivons le long de la Dominique, le vent souffle encore bien… et je m’endors comme une masse. Je ne suis réveillée quelques heures plus tard que par le silence, la mer plate, il ne se passe plus rien. Tomtom aurait-il mouillé, tout seul, sans me réveiller ? Étonnant, car on n’est pas trop de deux pour cette manip-là… En fait non. C’est juste le relief dominicain qui nous cache le vent, l’anémo est passé de 20 nœuds à 5 en quelques secondes et depuis, Tomtom essaie de tirer profit de chaque petit souffle pour avancer vers le fond de la baie de Roseau, tout en admirant le Queen Mary 2 qui a choisi d’arriver en même temps que nous.
Nous avons repéré le « quai » qui fournit carburant et eau aux plaisanciers dans le besoin, une barque s’approche de nous pour nous accueillir, et nous accostons pour faire le plein d’eau. En guise de quai, quelques planches de bois assemblées, qui craquent à chaque fois que la houle écrase Schnaps contre lui. Pas très rassurant, mais ça tient, et on n’y est que pour une vingtaine de minutes. De toutes façons Schnaps a l’air plus solide que le ponton ! Pancho, le bonhomme de la barque, nous emmène ensuite vers sa bouée, nous aide à nous y amarrer, encaisse son dû (10 US$ pour une nuit, mais comme on n’a pas de dollars américains on peut payer en ici$, seulement le taux de change passe de 2.7 (c’est un taux fixe) à 3, enfin c’est pas encore ça car ni Pancho ni nous n’avons de monnaie, et enfin en €, mais c’est pas intéressant car le taux de change augmente pas mal aussi : 10$US=10€ alors qu’en réalité on est plus proche de 7 ou 8. Enfin Pancho se contentera de la monnaie qu’on a à bord, soit 9€, et on ne va pas lui jeter la pierre car il nous a proposé de nous emmener à la douane et il était quand même bien aimable). Bref, la priorité n°1 pour nous, c’est petit déj, et la priorité n°2 pour moi c’est grosse sieste. Le temps de se baigner dans l’eau transparente et profonde, d’enlever la flore qui s’est installée sur la coque de Schnaps, et il est trop tard pour aller à terre pour les formalités.
Le lendemain matin, nous allons à terre. Les formalités, ici, c’est facile et pas cher. Nous n’avons pas assez de temps pour nous lancer dans une grande rando, mais nous visitons Roseau. Tout est très différent de la Martinique : tous les gens que nous croisons nous saluent, ils sont vraiment très aimables et très serviables, glissent quelques mots de français après un échange en anglais accent rasta (apparemment, le créole local est proche du français, c’est peut-être pour ça qu’ils sont nombreux à connaître quelques mots de bienvenue en français). Les maisons sont colorées, beaucoup sont en bois, beaucoup ne satisferaient pas aux normes de sécurité en vigueur en Martinique… L’ensemble a beaucoup de charme, on a l’impression d’être dans un village tranquille, pas du tout déformé par le développement touristique.
Evidemment, aux abords du quai des ferries, où un énorme truc flottant (ce n’est plus le Queen Mary, c’est un truc) déverse ses flots de touristes gras et beaufs, l’ambiance est un peu différente, tout le monde veut nous emmener en taxi, visiter les cascades, et des échoppes d’ »artisanat pour touristes » fleurissent. Mais c’est très localisé.
J’avais repéré les jardins botaniques, et, orientés par deux sympathiques Dominicaines, nous avons atteint ce parc tout boisé. Une petite balade en montée, Jack’s walk, nous mène au sommet de Upper Kings Hill, d’où nous avons une belle vue sur la ville. Mine de rien, ça fait longtemps qu’on n’a pas marché, et on se dit que Jack devait avoir les gambettes un peu plus en forme que les nôtres.
Entre autres, les jardins botaniques abritent un baobab tombé pendant le cyclone David, en 1979 (qui a détruit quasiment tous les beaux arbres du parcs, d’ailleurs). Le baobab est tombé de tout son long sur un bus (vide à ce moment-là), qui est toujours là… Et il vit toujours, poussant vers le ciel à partir d’une branche autrefois secondaire.
Nous décidons de ne pas rester à Roseau, car 10$ la nuit pour une bouée c’est quand même pas donné, surtout que ça roule un peu, et nous partons vers le Nord. Nous avons repéré une petite baie, face à la ville de Mero, qui nous semble pas mal pour passer la nuit du réveillon au calme. En arrivant, nous admirons les vagues qui déferlent à l’embouchure de la rivière Layou, spot de surfeurs… La baie face à la plage de sable noir de Mero est plus calme, mais nous n’irons pas à terre car l’arrivée sur la plage se fait dans les rouleaux. Le premier soir, au son de la « musique » des kékés en 4×4 sur la plage, nous déçoit un peu, mais la soirée du 31 a été beaucoup plus calme : ils ont été chassés par la pluie, et peut-être aussi par le vent qui soufflait en rafales ma foi impressionnantes. En revanche, la houle de Nord nous a pas mal secoués, j’étais toute barbouillée, nous avons donc reporté les festivités du nouvel an au lendemain.
La nouvelle année a commencé par une nav’ courte mais intense. Trois heures pour rejoindre la baie du Prince Rupert, au Nord de la Dominique. Au tout début, toujours dans les rafales mitonnées par la vallée en forme de toboggan pour le vent, nous prenons un ris. Puis plus rien. On avance tout doucement, on lâche le ris, on hésite à mettre le moteur… Jusqu’à ce que Tomtom aperçoive des moutons, au loin. Chic, du vent ! Seulement, maintenant, quand on voit des moutons à l’horizon, on prend un ris de suite, pas comme la toute première fois à Madère. Du coup on avance encore plus mollement – d’ailleurs on n’avance plus du tout à la voile, je ne maîtrise plus rien à la barre, c’est le courant qui nous emmène jusqu’à la zone ventée. Et là, paf ! Risée. Des risées, on n’a eu que ça jusqu’à l’arrivée. 25 nœuds en continu, risées jusqu’à 37 (mesure max donnée par l’anémo). L’avantage, de jour, c’est qu’on les voit arriver à la surface de l’eau. Risée à 5 longueurs, 4, 3, 2, 1, paf ! Oui, ça fait « paf », une risée. Mais moi, à 30 nœuds dans les rafales, au près, du vent changeant en direction, je ne m’en sors pas, je n’arrive pas à diriger le bateau, la barre est trop dure. On n’aurait pas dû rechigner à prendre le 2ème ris, à noter pour la prochaine rencontre avec les moutons. Du coup on échange les rôles, Tomtom prend la barre, et moi je passe l’heure qui nous reste à régler les voiles, à choquer doucement pour accompagner les risées pour éviter d’atteindre 30° de gîte …
On mouille dans la baie du Prince, sous des rafales à quasiment 40 nœuds, crevés tous les deux. Repas du nouvel an bien mérité : champagne, foie gras, confit de canard, et gâteau au chocolat au goûter.
C’est à ce moment-là que Christian the Fruitman débarque, à la rame, pour nous souhaiter « Welcome to Paradise » et nous proposer quelques fruits. Certes, le paysage est magnifique depuis le début de la Dominique, certes, ça ressemble au Paradise, mais c’est quoi, là, ce vent, ces grains, c’est tout le temps comme ça ? Non non, nous assure Christian. Et ben on espère…
Mouais.
Deux jours plus tard, nous ne sommes toujours pas allés à terre. C’est que l’annexe, même avec un hors-bord de 2 chevaux à pleine puissance, boostée par deux rameurs forcenés, elle n’étale pas 40 nœuds, on n’est pas sûrs d’atteindre la côte, en tous cas pas celle qu’on vise ! En plus il pleut, mais il pleut tout le temps et il pleut beaucoup. Des giboulées, des gouttes énormes qui claquent sur les hublots comme de la grêle, qui s’explosent, poussées par le vent, et entrent partout dans le bateau, qui remplissent des seaux et des seaux… Le taud de pluie et la capote ramassent, dans les rafales qui ne se calment toujours pas. On a de l’eau douce à gogo, de l’énergie à revendre grâce à l’éolienne (toujours des rafales à une quarantaine de nœuds), mais on est en pénurie de beau temps. C’est quoi, ces Antilles détrempées ?
Ca doit bien souffler à terre aussi, car depuis hier, des noix de coco se baignent dans la baie, accompagnée de feuilles, de branches… La rivière qui débouche à quelques centaines de mètres colore toute une bande de mer en marron limoneux.
Alors on passe le temps, on se fait une raison, les randos à la Dominique, c’est pas pour tout de suite. Heureusement, on a de quoi s’occuper. Nous avons depuis hier soir tout un jeu de housses de couchettes en jean, c’est très classe (et c’était très long à coudre, je me demande qui est l’hurluberlue qui a décidé de faire deux jeux de housses, et qui va devoir se palucher encore pas mal de couture avec le deuxième jeu) ; l’ordi de Tomtom est formaté et réinstallé tout à neuf (merci le wifi), on a une salle de bains toute neuve, étanchéifiée au silicone et dont le robinet ne fuit plus. La tout-doux liste est encore longue (on en rajoute tous les jours), on est prêts à affronter la météo « paradisiaque ». Mais on a un peu assez, on se décale au Nord pour éviter le mauvais temps, et il nous suit, le bougre ! Hobbes déprime avec toute cette pluie… On pensait avoir eu notre quota l’hiver dernier, à Lorient, apparemment pas …
Ah oui et puis pluie ou pas, on vous envoie de toutes façons nos meilleurs vœux pour la nouvelle année, que l’on vous souhaite radieuse comme un soleil des tropi … heu, non, radieuse tout court !
Très bonne année à vous deux, pleine de découvertes, de beau temps, sans trop de bricolage, etc…
– Bises
– Jean-Baptiste
Merci beaucoup !! On espère de tout cœur que tes vœux se réaliseront, parce que là, les averses… on en a marre !! Bisous, bonne année et plein de bonnes choses pour vous deux aussi !!
Merci pour les nouvelles et pour vos vœux. Cette année sera pour vous complètement passée en vadrouille est peut-être déterminante pour votre avenir. Alors vivez la bien et surtout soyez en forme !
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– Grâce à mon chef très gentil, je puis profiter, pendant des heures de travail matinales, de vos articles tout frais. Et j’apprends alors, ce que c’est le Paradis. Mais bon, vous n’êtes pas à plaindre il me semble, ces épreuves météorologiques (auxquelles nous pensons tous je crois) vous arrivent au moins bien progressivement et ce n’est pas mal non plus, hein ?
Bonne année à vous deux, beaucoup de bonheur, et du beau temps !
– Bisous
Bonne année à vous deux et bonne continuation!
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– pierro