On n’avait pas prévu de s’y arrêter si longtemps, dans ce petit pays qui fait à la fois la jonction entre les deux Amériques dans un sens et entre l’Atlantique et le Pacifique dans l’autre. Mais nos déboires à base de gasoil, de drisse de génois et autres joyeusetés en ont décidé autrement. Nous avons donc pu, au cours de nos recherches de pièces ou autres papiers plus absurdes et coûteux les uns que les autres, nous promener un peu.
Nous qui voulions aller directement au mouillage dans la Bahia Limon pour attendre le passage du canal, nous avons finalement atterri à la marina de Shelter Bay. Elle est très isolée, ce qui est à la fois un avantage et un inconvénient : avantage car il n’y a rien à craindre niveau sécurité (on est dans l’ancienne zone militaire et il y a un portillon gardé à l’entrée) et on est loin des bruits et désagréments de la ville et du port, inconvénient car il faut entre une demie-heure et une heure de bus pour rejoindre Colon, de l’autre côté de la baie. La durée du trajet est très variable car il faut traverser le pont mobile sur les écluses de Gatun, qui reste parfois fermé une bonne demie-heure (mais en général le bus calcule son horaire et ça passe sans attente). Comme disait Clairette, il y a une piscine et des douches immenses. Il y a aussi un shipchandler mais il n’a pas grand-chose, il n’a pas été fichu, en 2 semaines, de nous trouver de la drisse de 10mm (enfin, 3/8"). Idem pour la micro-supérette, surtout fournie en vins et autres boissons, mais zéro produit frais.
Pour aller faire les courses, quelles qu’elles soient il faut donc faire le trajet jusqu’à Colon. Le bus peut nous déposer soit devant le supermarché Rey à Cuatro Altos, soit au magasin de bricolage Novey à côté de Millenium Plaza, soit au centre-ville, près de la gare routière (voir la carte de Clairette).
On trouve de tout et à des prix corrects (le boeuf à 4$/kg, ça fait du bien) au supermarché, qui est ouvert 24h/24 et 7j/7, et qui livre même à domicile (et donc au bateau si celui-ci est à quai) gratuitement à partir de 300-400 $ d’achats. Pratique pour tout ce qui est jus de fruits, boîtes de conserve, etc …
Pour les déplacements en centre-ville, d’un bureau à un magasin à un centre commercial, etc … on nous a fortement déconseillé de se déplacer à pieds car c’est apparemment dangereux. On a donc pris des taxis, à 1$ la course (quand la profession de chauffeur de taxi n’est pas ultra-protégée par un monopole entretenu par les chauffeurs eux-mêmes, ça coûte beaucoup moins cher, le taxi) pour tous nos petits déplacements, ainsi que pour retourner prendre le bus au supermarché sus-cité. Au fur et à mesure de nos pérégrinations, on s’est enhardis : après tout, dans les rues très fréquentées, à la vue de tous, il y a bien moins à craindre que dans un taxi où on est à la merci du chauffeur. On a donc marché (jamais rien dans les poches, ça va de soi, argent et appareil photo bien planqués au fond des sacs), marché et encore marché, sans jamais s’aventurer dans une rue qui ne nous disait rien qui vaille ou qui nous semblait un peu trop vide. D’ailleurs, les passants panaméens étaient les premiers à nous rappeler de faire demi-tour lorsqu’ils nous voyaient hésiter à s’engager dans une rue apparemment dangereuse. Et il ne nous est rien arrivé. Peut-être avons-nous eu de la chance, mais peut-être avons-nous tout simplement observé les règles élémentaires de prudence, comme partout, comme dans certaines villes de France ou d’Europe.
Au fil de nos visites et voyages, nous constatons que la meilleure façon de passer inaperçu, de ne pas se faire prendre pour des touristes, est de faire comme si on avait toujours habité là, de se comporter comme un autochtone. Certes, on a le teint plus pâle (même si on commence à être bien bronzés !), on a des bobs, des sandales, des shorts et des lunettes de soleil. Mais on tâche de se mettre à l’heure locale, on oublie nos habitudes occidentales. Comme les locaux, on ignore les vendeurs à la sauvette, on ne s’apitoie pas sur le premier venu, on considère les autres avec humilité, sans trop de méfiance ni de défiance ou de compassion (on est normaux, quoi !), on va manger à la cafétéria des ouvriers du port (en plus ça coûte rien : 7$ les deux énormes assiettes de paëlla), ou on se fait servir du poulet pané avec du riz dans le coffre d’un taxi (encore moins cher : 3.75$ la grosse portion – pour deux – avec un coca), et on finit notre enhardissement, pour les trajets un peu plus longs, par prendre le bus, les Diablos Rojos, comme ils sont appelés ici, avec les autres panaméens !
On avait lu partout qu’il valait mieux éviter de prendre les transports en commun, vétustes et mal fréquentés. Certes, ce n’est pas tout neuf (vieilles caisses de schoolbus américains dont l’avant a souvent été remplacé par une tête de camion flambant neuf et le moteur qui va avec, je peux vous dire que ça pousse, à 150 km/h sur l’autoroute !), on est serrés comme des sardines à l’intérieur, et il y a peut-être un ou deux passagers sur les 70 qui n’a pas de bonnes intentions, mais là encore, aucun souci ! On a même discuté dans le bus Panama City-Colon avec un jeune étudiant en architecture navale (j’aurais bien discuté plus longtemps avec lui mais il devait descendre), très sympa, et une dame nutritionniste très gentille aussi qui a même appelé un de ses amis chauffeur de taxi pour qu’on puisse rentrer à la marina sans se faire arnaquer ou pire détrousser par un chauffeur peu scrupuleux (il était 20h et il faisait nuit). Expérience tout à fait concluante, donc, y compris pour le portefeuille : le trajet en ville coûte 25 cents, et pour faire le trajet entre Panama City et Colon, c’est 2$ par personne … contre 22 pour le train !
De même, on a tendance pour les produits frais à délaisser les supermarchés pour les « vrais » marchés, là où vont s’approvisionner les Panaméens. Encore une fois, il paraît que c’est dangereux. Peut-être, mais nous on n’y a rencontré que des gens et des vendeurs très sympas, à qui on a posé plein de questions sur tel ou tel légume ou fruit qu’on ne connaissait pas, qui nous faisaient goûter, etc … Le marché aux légumes à Balboa (Balboa ça fait partie de l’agglomération de Panama City) était impressionnant : des tas et des tas d’ananas, de pastèques, de melons … et des pamplemousses à 7$ le sac de 10 kg, on reviendra ici avant de partir (les pamplemousses ça conserve super bien !) … En tous cas, ça nous a fait l’occasion de partager un repas « dégustation de fruits et légumes inconnus » avec deux couples voisins de mouillage : May Linn et Espen, deux Norvégiens qui voyagent sur Maggie, et Maria et Mark, deux Suédois qui font le tour du monde sur Mare Liberum, un tout petit bateau de 8 m et … 44 ans (nous, on trouve ça génial) !
En bref, on s’adapte, et on n’attend pas que tout s’adapte à notre fonctionnement. A propos, ça va nous faire bizarre, un jour, de retourner vivre dans un pays où on n’a pas le droit de voyager assis à l’arrière d’un pick-up, de ne jamais mettre sa ceinture de sécurité (cherchez pas à l’arrière des taxis y en a quasiment jamais) ou d’être debout dans un bus de 50 ans qui clignote de partout lancé à toute vitesse sur l’autoroute.
Mais au fait, nous direz-vous, c’est bien joli tout ça, mais à quoi ça ressemble, un Panaméen ? Eh bien à vrai-dire, on ne sait pas trop. Toutes les cultures, toutes les ethnies sont présentes ici : noirs africains, amérindiens, chinois, mexicains … les origines sont extrêmement multiples, et chacun a des racines sur toute la planète. La raison est assez simple : la construction du chemin de fer puis du canal, voici plus d’un siècle, a attiré énormément de travailleurs de toutes les origines, et principalement des iles des Caraïbes, où le travail faisait défaut. C’est assez intéressant de se balader dans un univers aussi cosmopolite, où personne ne se ressemble mais tout le monde est Panaméen.
Un truc bizarre qu’on a remarqué, quand même, ils ont des mannequins difformes dans leurs vitrines :
Côté tourisme, comment dire … ah oui, on n’a vraiment pas eu le temps. Pour avoir passablement parcouru Colon, il n’y a pas grand-chose à y voir. On s’est un peu promené à Panama City lors de notre premier passage du canal en tant que highlanders, entre deux magasins de tissu ou d’accastillage, et on y a vu quelques jolis monuments. On y retournera peut-être avant notre départ dans quelques jours, la vieille ville a l’air de valoir le coup. Depuis le mouillage, on voit surtout les gratte-ciels du centre d’affaires …
Une dernière chose qu’on a constatée et nous a fait sourire : pour la première fois du voyage, le beurre demi-sel néo-zélandais est moins cher que le beurre européen. Signe qu’on se rapproche de notre destination …
Pour plus de photos, c’est ici
c’est sûr, je pense que c’est valable pour tous les marchés du monde, même et surtout chez nous, les produits sont plus frais et plus goûteux. Je ne me suis pas encore lancée dans l’évaluation de vos stocks mais il semblerait que j’ai le temps!. 8 m le bâteau? il y en a qui sont plus accro que vous, c’est possible? à très bientôt et bonne nav.