Encore un article écrit sur le vif et posté a posteriori depuis Mangareva, où on va attendre notre livraison de câbles.
On vous avait laissés la semaine dernière avec nos histoires de mollusques accrochés sous la coque, eh bien cette semaine pour changer on va reparler de haubans !
Le début de cette nouvelle semaine s’était pourtant bien passé : du vent d’Est, force 3 à 4, juste ce qu’il faut pour avancer correctement. Des grains de temps en temps qui deviennent à peu près normaux : il y a enfin des rafales de vent dessous, alors que jusque là les gros nuages gris foncé qui nous arrivaient dessus nous laissaient dans une franche pétole jusqu’à ce que le ciel bleu revienne …
La routine a repris son cours, la situation au niveau du gréement s’est sensiblement stabilisée après nos réparations de fortune à base de demi-écrous de 8 et de bouts en tous sens (on entend juste des bruits de temps à autre, c’est le bas-hauban bâbord avant détoronné qui travaille, pense-t-on, ce qui est confirmé visuellement : les efforts sont de plus en plus repris par nos sécus qui font leur boulot et de moins en moins par ce qu’il reste du câble) jusqu’à ce qu’un beau matin, CHTOING !!! Un bruit énorme, on saute sur le pont : le bas-hauban arrière bâbord est complètement mou, son sertissage côté mât à explosé à 7 m du pont. Pas le temps de réfléchir outre-mesure, cette fois ça devient sérieux notre affaire. On commence par enrouler complètement le génois (on en gardait quelques mètres carrés dehors pour équilibrer le bateau et gagner un peu de vitesse), abattre à nouveau pour mettre le cap définitivement sur Mangareva – tant pis pour Pitcairn – puis détendre franchement le galhauban afin de soulager le mât qui s’est mis à fléchir dangereusement à chaque coup de roulis (voir le dessin ci-dessous) depuis qu’il n’a plus qu’un demi bas-hauban à bâbord. En gros, la stratégie est désormais de laisser le mât s’incliner sur tribord pour éviter de le casser en deux au niveau de la barre de flèche et limiter les efforts sur le bas-hauban avant, toujours blessé. Heureusement tout de même qu’on a installé notre sécu autour des barres de flèche …
Ça se voit qu’il pleut et qu’on s’ennuie, planqués dans le bateau au mouillage devant Rikitea : Clairette modélise tous nos bricolages sous Inkscape. Voui, c’est la même Clairette qui se demandait si j’étais sorti en pleine nuit pour mesurer la hauteur des bandes bleues du liseré sur la coque de Schnaps quand je l’avais modélisé en 3D.
On réfléchit ensuite à ce qu’on peut faire pour que les dégâts n’aillent pas plus loin. On fait dans nos têtes le tour du bateau pour faire l’inventaire de ce qu’on a dans les coffres et qui pourrait de près ou de loin ressembler à du câble d’acier. Il y a bien la chaîne d’ancre, mais on a d’une part peur de la manip’ de mise en place avec le bateau qui bouge dans tous les sens – surtout qu’avec 80kg de chair fraîche à 7m de haut ça bouge encore plus – et d’autre part du poids qui risque à la fois d’ajouter des efforts sur le mât et de nous empêcher de la tendre correctement. On se dit finalement que la solution chaîne, ce sera pour quand on sera au mouillage s’il faut repartir vers Tahiti sans avoir pu changer les haubans à Mangareva, et on se décide pour une solution ‘tout textile’. Le lendemain matin de bonne heure on renvoie Tomtom le Gropotom dans le mât (à chaque fois c’est avec gilet de sauvetage, couteau et tout le bazar, les conditions de sécurité là-haut se détériorent de jour en jour !) pour retirer l’embout côté mât (un rivet à faire sauter à la perceuse, facile à dire mais avec le roulis c’est une autre histoire), le redescendre, bricoler un bas-hauban de fortune avec une ancienne drisse de génois (moins élastique que de la neuve), une grosse poulie et une énorme manille de 14. Le but est de faire un palan à 2 brins qu’on pourra reprendre au winch au pied de mât. Remontée éclair, installation et tension et le tour est joué, on arrive à reprendre une bonne partie de l’effort et le mât se balade moins. Il faudra remonter encore une fois placer un rivet pour éviter que la ferrure ne se sauve à l’intérieur du mât si notre montage venait à casser.
La mauvaise surprise du jour c’est qu’en montant là-haut, on a constaté que le deuxième sertissage côté mât, celui du bas-hauban avant qui est déjà en train de lâcher côté pont, est sérieusement abîmé avec un nombre non négligeable de torons cassés … Aïe aïe, ça sent le roussi, pourvu que ça tienne encore un peu, plus que 700 milles à tirer … raison de plus pour installer notre drisse.
Cette explosion du bas-hauban arrière nous a bien refroidis : on pensait qu’on avait la situation à peu près en main et que celle-ci s’était relativement stabilisée, et paf, le câble sur lequel on comptait pour assurer la défaillance de son petit copain nous lâche aussi, d’un coup. En fait, en commençant à casser, le bas-hauban avant a probablement transféré la plus grande partie de l’effort qu’il reprenait vers le bas-hauban arrière, qui n’a pas supporté ce surcroît de travail. Il faut dire aussi que, confiants dans sa tenue, nous avions laissé du génois déroulé (très peu, certes) sur tribord, ce qui tirait – quoique légèrement – sur ce bas-hauban. Cependant, nous constatons surtout que les efforts prédominants dans le gréement dormant sont, dans notre cas au portant, dûs à la masse et à l’inertie du mât (que l’on remercie d’ailleurs d’avoir tenu le choc et d’avoir juste un peu plié sans se casser en deux, il est mastoc ce mât !). A chaque coup de roulis, on peut sentir en gardant la main sur le câble les quelques centaines de kg qui y sont repris. Combinées à des sertissages fatigués (on le sait maintenant et le changement complet du haubanage latéral à Tahiti ne fait plus aucun doute), les tensions successives du gréement dues au roulis ont eu raison de l’intégrité de notre gréement. Heureusement, on avait mis plus de sécus qu’il n’en fallait, et le mât a une section de baobab.
Sur ce, rassurés par notre solution de secours (à chaque fois on se sent bien mieux une fois qu’on a tenté quelque chose, on se rend compte que psychologiquement c’est très important de s’activer pour résoudre un problème, en tâchant tout de même de faire quelque chose d’efficace !) on a tout de même continué à la voile, autant se rapprocher du but sans consommer de gasoil tant qu’on peut encore se le permettre. Ce n’est pas évident car c’est la pétole et le baromètre est coincé à 1024 hPa … 1.5, 2 nœuds, et on ne peut pas mettre le génois. C’est donc Corentin le numéro 1, tangonné sur bâbord, qui nous permet d’avancer un peu sans créer d’effort transversal sur le mât.
Impressionnant, votre récit, voilà, c’est le mot du jour… et cela éveille l’écho des sensations fortes que vous avez vécues, que nous imaginions, sans détails.
Re bravo, bises et Bon courage pour le rétablissement de Schnaps
mouais, alors là, c’est vrai qu’avec les détails, on est tout de suite mieux: on apprend que Tomtom a failli faire un saut à l’élastique sans élastique, que le mât n’était pas plus stable qu’une quille de bowling (ceci dit, je n’ai jamais vu une quille de la taille d’un baobab), que le haubanage d’origine vit ses derniers instants…Heureusement que l’équipage a, comme d’habitude, été réactif et efficace, c’est le plus rassurant de cette histoire. Nous, on va peut-être se contenter d’aller voir une compétition de voiliers radio-commandés aux Marquisats, ça me semble plus salutaire pour les nerfs…
ce n’est pas le haubanage d’origine (et heureusement, car il aurait 30 ans !), mais son remplacement complet – qui était de toutes façons prévu en NZ – va nous rassurer pour la suite …
Bonjour
Personnellement, je suis en train de placer des contre plaques inox à l’extérieur de mon mat (SUN MAGIC 44) pour cause d’une fissure au-dessus de la coquille du bas hauban (due probablement à la présence du reste du rivet coincés entre la peau intérieure du mat et la coquille).
J’en profite pour y adjoindre une patte qui me servira à positionner à demeure ( quand je navigue) un hauban de sécurité en dynemema (résistance à la rupture 8 tonnes)
Qu’en pensez vous?
Bonjour,
Nous avons opté pour une solution qui transforme en chapes les embouts à boule qui entrent dans les coquilles, grâce à des adaptateurs Searig, et des ridoirs chape/chape. Ainsi, nous pourrons « brancher » n’importe quoi, y compris du Dyneema ou Spectra, en cas de rupture ou menace de rupture. Mais avec les embouts à sertissage manuel, il y a a priori bien moins de risques qu’un hauban casse, et ça ne devrait plus arriver du tout. C’est comme tout, c’est quand on prévoit les choses qu’elles n’arrivent pas !
Plus de détails ici.
Bonne continuation !