Quand faut y aller, faut y aller !
Malgré notre peu d’enthousiasme pour quitter les Gambier et Mangareva, il ne fallait pas manquer les deux ou trois jours de conditions favorables pour monter vers le Nord-Ouest, direction les Tuamotu puis Tahiti. En effet, après, c’était du vent d’Ouest tout le temps aux Gambier, ce qui impliquait du près pour nous, allure qu’on essaie d’éviter pour des tas de bonnes raisons : lenteur, inconfort, efforts plus importants dans le (nouveau) gréement et la structure du bateau.
Nous devions quitter l’archipel le dimanche après-midi, nous avons donc logiquement levé l’ancre le lundi matin, retenus par une fin de repas chez Hervé et Valérie sur Taravai après être allés dire au revoir à Edouard, à quelques coups de rame de là [NDCLFC : « quelques », oui oui, un mille contre le vent, oui !]. Le Mara’amu, ce vent de Sud à Sud-Est, était censé nous pousser vers Amanu rapidement pendant 48h, mais Eole avait décidé d’être capricieux : au bout de 24h il a commencé à s’essouffler, puis est lentement passé à l’Est, au Nord-Est puis au Nord. Schnaps pesant le poids qu’il pèse, il est un peu pataud lorsque le vent est faible … La vitesse a donc largement diminué (la faute aussi à quelques heures sans aucun souffle que nous avons passées à la cape sèche), et nos espoirs de rejoindre Amanu dans les temps s’amenuisaient de jour en jour. En effet, il nous fallait absolument être le 10 juillet à Tahiti pour un rendez-vous, et nous ne pouvions pas vraiment nous permettre de trop traîner : plus nous allions lentement et plus nous diminuions notre durée d’escale.
Malgré le peu de collaboration des éléments (vent de Nord à Nord-Ouest et courant portant au Sud-Est), ou plutôt leur insistance à nous renvoyer vers les Gambier, nous avons tout de même réussi à avancer … jusqu’à ce qu’il n’y ait vraiment plus un souffle. Ça s’est passé 60 milles au Sud d’Hao. On a perdu notre trace GPS à cause d’un bug de l’ordinateur mais en la reconstituant avec le livre de bord on a déjà quelque-chose de pas mal, voyez plutôt :
mais non pas Pluto, plutôt :
Avec tout ça, nous étions obligés de faire une croix sur notre escale à Amanu, avec regrets car on devait retrouver là bas Pacific Bliss. En plus, vu la pétole, le lagon devait être aussi lisse qu’un miroir (et il était effectivement aussi lisse qu’un miroir), alors qu’on se faisait ballotter par la houle venue du Sud. Mais nous ne pouvions pas nous permettre de brûler 50 L de gasoil pour passer juste une nuit au mouillage. Si la météo était aussi pourrie jusqu’à Tahiti, on en aurait besoin pour arriver à temps !
C’est lors d’une séance de charge des batteries pendant laquelle nous avons profité du moteur pour faire quelques milles dans la bonne direction – enfin plutôt récupérer les milles que le courant de 0.7 nœuds au Sud-Est nous faisait perdre – que nous avons eu une surprise … de taille ! Un troupeau de baleines (des baleines de Byrde, nous l’avons su après) est venu jouer avec Schnaps ! Des énormes mastodontes plus longs que le bateau et deux fois plus lourds s’amusaient comme des petits fous à le dépasser, à éventer à quelques mètres de nous, à montrer leur petit aileron juste devant l’étrave en croisant la route du bateau, à tourner autour quand on s’arrêtait … Comme des dauphins, mais en 15 fois plus gros ! En ce qui me concerne, je n’étais vraiment pas tranquille en voyant les énormes remous que leur nage produisait dans leurs sillages … surtout qu’il y avait des bébés (des beaux bébés tout de même !), et que les parents n’étaient pas loin. A la barre, j’essayais autant que faire se peut de placer Schnaps parallèle à leurs trajectoires, pour parer à tout risque de collision, mais c’était quasiment impossible : les cétacés sont bien plus rapides et bien plus manœuvrants, ils font ce qu’ils veulent. S’ils décident que ça les amuse de venir couper la route du bateau à 45° pour faire un jet d’eau juste devant notre étrave, ils le font … J’en ai déduit qu’il fallait au maximum éviter les changements de direction brusques pour ne pas leur paraître hostile, et avoir la trajectoire la plus régulière possible … Et, peut-être lassés, ils sont partis après une heure de batifolage autour de cette drôle de baleine qui nage à l’envers, son aileron vers le bas. Expérience impressionnante !
En attendant, la houle s’est levée. Et quelle houle : 3 à 4 mètres, des mouvements orbitalaires suffisants pour nous faire ressentir un vent significatif qui change de côté dans les creux et sur les crêtes (avec le peu de vent qu’il y avait, on a essayé d’avancer un peu : les voiles se gonflaient à contre dans les creux, et le bateau gîtait comme pas possible sur les crêtes !!). Majestueux … et annonciateur d’un bon coup de vent dans le Sud, qui n’allait pas tarder à nous tomber dessus d’ailleurs selon les GRIB.
Ça n’a pas raté : en quelques heures, on est passé de 5 nœuds de Nord-Ouest à 30 nœuds de Sud-Est ! Une heure après le passage du front qui a marqué le retour du vent on affalait Aglaé la GV pour ne garder plus qu’un petit bout de génois enroulé, Schnaps filant à 7 nœuds. Les belles ondulations que formaient la houle de Sud dans la pétole se sont transformées en méchantes vagues moutonnantes envahissant à l’occasion le cockpit, frappant violemment la coque ou faisant gîter inhabituellement le bateau … Et les grains, souvent imprévisibles, ont fait plusieurs fois monter l’anémo jusqu’à 40 et même 45 nœuds de vent réel. Décidément, c’est tout l’un ou tout l’autre !
Ça a duré 3 jours. 3 jours de grosses vagues, de grains, de pluie, de grisaille. Heureusement, on était au portant, avec le vent et les vagues, on n’avait pas besoin en plus d’aller contre tout ça ! Et on allait vite, en plus, de quoi probablement se permettre d’arriver bien en avance à Tahiti. Les conditions restaient toutefois largement maniables, et même si ce n’était pas spécialement agréable de se faire ballotter dans tous les sens et d’entendre les vagues se fracasser contre la coque ou sur la jupe, on se disait qu’on était presque mieux en mer qu’au mouillage, par ce temps : au moins on avançait, on ne se demandait pas à chaque rafale si l’ancre tiendrait et on n’était pas cloîtrés inutilement dans le bateau en attendant que ça se calme ! Le GPS et la carto électronique permettaient en plus (ce n’était pas le cas il y a 20 ans !) de passer à bonne distance des dangers, de nuit, sans avoir à s’en inquiéter ou presque. Bref, tout allait bien, hormis le confort, plutôt sommaire.
D’ailleurs à propos de GPS, si on n’avait pas vu Tahiti sur la carte électronique, on aurait presque pu passer à côté sans la voir, malgré ses montagnes à plus de 2000 m ! En effet, nous avons été accueillis par un déluge : de la pluie très dense qui nous a empêché de distinguer l’île jusqu’à ce que nous arrivions à 2 milles de la pointe Vénus, à l’extrémité Nord ! Les conditions de vent changeantes obligeaient en plus à manœuvrer sans arrêt (5 empannages en 2 heures, un record ! d’habitude c’est maximum un tous les 4-5 jours !) … jusqu’à ce que le vent s’arrête complètement sous le vent des reliefs. Quelques milles au moteur, une arrivée dans la passe de Papeete saluée par les dauphins, et nous voilà au milieu de la ville, amarrés au Quai des Yachts à côté de nos amis norvégiens. Direction la douane pour les formalités, puis un mouillage au Sud de la ville, mais c’est une autre histoire …
Allez, quelques stats, comme d’hab’ :
– Distance à parcourir (en comptant le crochet par les Tuamotu) : 935.9 milles
– Distance parcourue : 979.8 milles
– Vitesse moyenne : 3.99 nœuds
– Plus grande distance parcourue en 24h : 141.30 milles (un peu moins de 6 nœuds, bof en fait)
– Plus petite distance parcourue en 24h (attention neeeeeeeew record) : 7.25 milles
– Côté pêche, hum, comment dire … il va falloir racheter des leurres !
Et ben c’est zouli les baleines, c’est quoi le problème ???
et puis l’arc en ciel dans le crachouillis de la baleine c’est plutôt (et pas Pluto) zouli !
sinon pour vos houles et vagues, moi je dis encore : beurp….
bisous et z’a bientôt !!
Moi aussi je trouve ça joli les baleines, mais le capitaine manque d’avaler sa pipe quand je lui dis « ben elles jouent, t’en fais pas ». Ceci dit, version terrestre, c’est vrai qu’on pourrait comparer à un ballet (gracieux) d’éléphants aux abords d’une maisonnette.
Et pour les vagues si tu veux je te ferai tester le Stugeron, je t’assure que ça marche… on pourra même te donner un stock d’homéopathie, on en a encore grâce à ta Mamodile :o)
Martin, qui est fan de baleines, va adorer la photo. Moi, je suis tout simplement impressionnée…de loin, parce que de près, je n’en aurais pas mené large. Euh, je m’attendais à une vue plus représentative de l’île dont le seul nom évoque un endroit paradisiaque. Mais il fera jour et beau demain, Tahiti va se rattraper.
Tu pourras bientôt voir (si le chargement des photos se passe bien) quelques photos des montagnes de Tahiti, vues de la mer. Elles sont très jolies (tiens, et tu n’as qu’à demander à Sasane, Firmin lui a envoyé une carte postale d’un des pics), mais on nous a dit qu’elles étaient dangereuses à gambader… Et on n’a pas vraiment eu le temps de vérifier.