On a ri, en ouvrant notre courrier il y a quelques jours :
Pour ceux qui n’auraient pas envie ou pas le temps ou juste la flemme de lire ce courrier en cliquant sur l’image ci-dessus, il s’agit d’une proposition de l’organisme (français) chargé d’appliquer les tarifs sociaux de l’énergie, visant à nous proposer une aide au paiement de notre facture (supposée française) d’électricité, considérée comme un produit de première nécessité.
Si vous débarquez ou n’êtes que vaguement au courant de nos histoires, on habite en Nouvelle-Zélande, à 20 000 km de la France, depuis 2 ans et demi. Et comme l’en-tête l’indique, cette lettre a été envoyée directement à notre adresse néo-zélandaise.
Pourquoi nous ? Eh bien parce que cette aide est attribuée en fonction du revenu du foyer et qu’on a rempli une déclaration de revenus vierge l’année dernière. Normal, vu qu’on était résidents fiscaux en NZ. C’était d’ailleurs en théorie notre dernière déclaration de revenus en France, ce qui nous a été confirmé par un mail automatique récent de la part de impots.gouv.fr.
Ayant une adresse hors de France, ayant donc peu de chance d’y payer notre consommation d’électricité et n’y étant plus résidents fiscaux, nous avons donc trouvé assez cocasse que ce courrier nous soit envoyé et par conséquent qu’une adresse d’envoi en Nouvelle-Zélande (donc pas en France, on précise au cas où) n’ait pas fait tiquer le système, qui a validé le bazar et y est allé de son affranchissement spécial pour un courrier qui concerne une aide au paiement d’une prestation a priori uniquement sur le territoire français.
Quoique, c’est marqué nulle part dans la lettre, ça. Si on était joueurs, si on laissait pour un temps notre conscience de côté et si on n’avait que ça à faire, on s’amuserait bien à essayer de jouer à la maison qui rend fou en demandant, nous aussi, avec force courriers insistants (vu qu’en plus on n’a pas accès au numéro vert et l’enveloppe pré-affranchie ‘T’ ne marche pas en NZ), le remboursement d’une partie du loyer qu’on paye à la marina et qui inclut l’électricité que l’on consomme et pour laquelle on pourrait sans problème obtenir une facture séparée. Vous avez dit absurde ? C’est pas nous qui avons commencé.
Bref, on rigole, on rigole, mais vous qui nous lisez depuis la France, cette petite blagounette vous a coûté 1.75€ d’affranchissement, plus les coûts de mise sous pli, de traitement, le papier, le formulaire et l’enveloppe T qui représente un coût en affranchissement aussi, les petits circuits électroniques qui ont chauffé pendant quelques secondes, le salaire des gens qui ont programmé (avec des moufles, ça fait des frais en plus) le logiciel qui ‘gère’ tout ça, l’espace disque utilisé par nos données, etc … On doit pouvoir arriver assez vite à plusieurs euros.
Ça paraît rien comme ça, mais si on s’amuse à multiplier ce genre de broutille par le nombre de personnes qui ont à coup sûr reçu ce courrier en habitant hors des frontières de notre chère – dans les deux sens du terme – patrie, puis par le nombre d’organismes publics ou para-publics du même type … ça n’est probablement plus du tout insignifiant et la rigolade tourne au rire jaune. Car tout ce ‘pas du tout insignifiant’ pourrait servir à autre chose. Par exemple à alléger la TVA de tout le monde, y compris celle de ceux qui ont du mal à payer l’électricité et le gaz et qui la sentent le plus passer dans leurs dépenses quotidiennes. Ou à éviter d’endetter nos vos enfants encore plus chaque année. Au hasard.
Dans le cas présent, ça va, c’est plutôt rigolo et l’erreur n’a pas de conséquences, ce n’est pas comme si l’on devait se lancer dans des démarches à rallonges depuis l’autre bout de la planète pour tenter de corriger un tir ajusté au millimètre (mais à la grenade, comme ça au moins on est sûr de toucher quelque-chose, faut bien vivre mabon’dam) de nos belles administrations. Mais le web est rempli d’exemples de ‘petites erreurs’ qui peuvent rapidement pourrir la vie de contribuables qui n’ont rien demandé à personne.
On pourrait aussi évoquer rapidement le caractère discutable de la démarche globale. D’une part les biens de toute première nécessité nous paraissent plus être l’eau potable ou la nourriture que l’électricité ou le gaz. D’autre part rien ne justifie que l’on oblige les uns, ceux qui ont l’outrecuidance d’avoir les moyens de payer leur facture, à payer la consommation des autres (que l’on ne se méprenne pas, nous n’avons rien contre l’aide de son prochain, la solidarité, tant que le processus est issu d’une démarche volontaire et ne rend pas automatiquement les uns responsables des malheurs des autres). Sans compter le coût que le fonctionnement d’un tel dispositif doit faire peser sur la collectivité et donc sur une bonne partie de ses bénéficiaires qui s’acquittent comme tout le monde du 1er impôt français, la TVA.
Nous pourrions enfin profiter de cet article en forme de tribune pour ouvrir une parenthèse sur un registre plus général et suggérer au rédacteur de cette lettre cette autre introduction :
Monsieur,
J’ai le plaisir de vous annoncer que, conformément à la réglementation en vigueur, nous (l’Etat, Mlle Agence France Trésor et moi) souhaitons vous proposer de prendre en charge une partie de votre consommation d’électricité avec l’argent que nous n’avons pas, et que nous espérons bien que vos enfants – ou, encore mieux, ceux des autres – rembourseront un jour. Ne vous inquiétez pas, c’est dans longtemps et en attendant, c’est tout bénéf pour vous.
etc.
Sexy, non ? Ah c’est sûr, ça ferait un peu plus vendeur à la sauvette qui veut vous refourguer un truc pas net (qu’on pourrait sans problème qualifier d’emprunt toxique). Mais bon, ça aurait au moins le mérite de faire prendre conscience aux potentiels bénéficiaires que tout, absolument tout, se paye un jour ou l’autre … There ain’t no such thing as a free lunch (un repas gratuit, ça n’existe pas) comme dirait Robert A. Heinlein.
Bref, pour finir, n’attendez pas de conclusion en forme de consolation sur le thème « de toutes façons, c’est partout pareil ». Sans que ce soit la panacée ici (je viens de me faire refuser l’ouverture d’un compte car je n’habite pas ‘comme tout le monde’ dans une maison, en vertu d’une loi de juillet 2013), c’est loin d’être pareil …
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